Le « zéro artificialisation nette », l’aboutissement d’une injonction croissante à la sobriété foncière ?

Publié le 12 décembre 2019

Depuis 20 ans, le contexte législatif n’a cessé de se renforcer dans le but de garantir une gestion économe et équilibrée des espaces naturels, agricoles et forestiers mais aussi dorénavant urbains et périurbains. Cette exigence de sobriété foncière pourrait s’accroitre encore avec la mise en œuvre du principe de « zéro artificialisation nette ». Explications.

Depuis la fin des années soixante, le modèle d’urbanisation dominant en France est l’étalement urbain. Cette notion est utilisée pour décrire la progression des surfaces urbanisées sur la périphérie des villes de façon plus rapide que la croissance démographique. Cet étalement urbain est la matérialisation d’une tendance plus générale, la périurbanisation. Celle-ci est liée à l’arrivée d’une part de nouveaux habitants, dont une partie quitte les centres des agglomérations pour s’installer en périphérie, et d’autre part d’activités consommatrices d’espace (grandes surfaces, infrastructures de transport, etc.). Ainsi, depuis 20 ans, le législateur cherche à limiter les effets de cette périurbanisation.

20 années de législation et de réglementation

En 2000, l’utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux constitue l’un des piliers de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU), fondatrice des SCOT et PLU actuels. En 2010, la loi de modernisation de l’agriculture fixe un objectif de réduction de moitié du rythme d’artificialisation des terres agricoles à l’horizon 2020. La même année, la loi portant engagement nationale pour l’environnement (Grenelle II) demande aux documents d’urbanisme d’une part d’analyser la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers, d’autre part de fixer un objectif de consommation économe de l’espace. En 2014, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) impose une analyse des capacités de densification au sein des documents d’urbanisme. Enfin, en 2018, la loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique (ELAN), à travers notamment les opérations de revitalisation de territoire (ORT), entend favoriser le développement des centralités tant sur les politiques de l’habitat que du commerce, de l’économie et des politiques sociales.

En parallèle, la Commission européenne se positionne également. En 2011, elle rédige une « feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources ». Elle y fixe comme objectif de « supprimer d’ici à 2050 toute augmentation nette de la surface de terres occupée ».

Ces différents textes de loi sont déclinés dans des stratégies gouvernementales. En 2015, La stratégie nationale « bas carbone » vise une forte réduction de la consommation des terres agricoles et naturelles à l’horizon 2035 et un arrêt, à terme, de cette consommation. À l’été 2018, le « plan biodiversité » renforce ces orientations et propose « zéro artificialisation nette ».

Ce travail législatif et stratégique est décliné au niveau local. Dans les schémas de cohérence territoriale (SCOT) de Cornouaille tout d’abord, approuvés entre 2012 et 2016. Le SCOT de l’Odet définit comme objectif dans son projet d’aménagement et de développement durable (PADD, page 9) « la réduction du rythme de consommation de 30 % sur 15 ans ». Le SCOT de de Concarneau Cornouaille Agglomération prescrit dans son document d’orientations et d’objectifs (DOO, page 8) de « diminuer d’un tiers le rythme de consommation de l’espace observé entre 1985 et 2005 ». Le SCOT de l’Ouest Cornouaille, dans son DOO (pages 29), définit comme objectif de limiter la consommation foncière et prescrit à chaque intercommunalité de son territoire des enveloppes de consommation foncière. Dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) ensuite. De nombreuses communes, qui ont lancé ces dix dernières années la révision ou l’élaboration de leur PLU ou de leur carte communale ont réduit de manière importante leurs surfaces à urbaniser (zones 1AU et 2AU).

La gestion économe du foncier fait également l’objet d’une contractualisation au niveau local. Ainsi, en 2012, la DREAL Bretagne a rédigé une charte pour une gestion économe du foncier en Bretagne. Elle a été le fruit d’un large travail participatif et signée par de très nombreux acteurs de l’action foncière, services de l’État, collectivités locales, SCOT, associations et agences d’urbanisme, chambres consulaires, etc. Cette charte rappelle les enjeux d’une gestion économe du foncier et propose des actions dont la mise en œuvre sont de nature à garantir une maîtrise de la consommation de l’espace en Bretagne. Sans valeur règlementaire, la signature de la charte emporte néanmoins valeur d’engagement à respecter son contenu et à promouvoir des actions contribuant à sa mise en œuvre.

D’autres actions de contractualisation ont eu pour toile de fond de favoriser le développement des centres villes et bourgs et donc de l’imiter l’étalement urbain : l’appel à manifestation d’intérêt du Département du Finistère en 2014 (13 communes lauréates en Cornouaille) ; le dispositif « Action cœur de ville » en 2018 dont Quimper était bénéficiaire, qui a évolué en dispositif ORT en 2019. 

Le contenu de l’instruction gouvernementale du 29 juillet 2019 aux préfets de région et de département

 Ainsi, l’instruction gouvernementale du 29 juillet 2019 transmise aux préfets relative à la gestion économe de l’espace marquera – si elle est suivie d’effet – une nouvelle étape dans ce long processus qui doit conduire nos territoires à la sobriété foncière.

L’instruction gouvernementale part d’un constat, la consommation foncière moyenne nationale, 27 000 hectares par an entre 2006 et 2016 soit l’équivalent de 4 à 5 terrains de football par heure (Source : CGDD/CEREMA, fichiers fonciers). Elle fixe ensuite une ligne de conduite aux préfets :

Les objectifs et échéances :

  • « Dans les délais qui seront confirmés par le président de la République […] dans un premier temps infléchir la consommation, puis la stopper par un usage sobre de l’espace et par des actions de type compensatoire ».
  • « Faire émerger les projets […] qui s’inspirent de la démarche éviter, réduire, compenser du code de l’environnement » […], les démarches visant la réhabilitation, la renaturation ou la désartificialisation de zones anthropisées. » 

Les préfets sont invités à déployer les nouveaux outils créés par la loi ELAN destinés à accélérer les grands projets urbains et renforcer l’efficacité de l’intervention des acteurs privés et publics : le projet partenarial d’aménagement (PPA), la grande opération d’urbanisme (GOU) et l’opération de revitalisation de territoire (ORT), etc.

L’instruction gouvernementale insiste en particulier sur trois leviers :

  • Favoriser la mise en place d’ORT rendant éligible au dispositif « Denormandie dans l’ancien » ;
  • Lutter contre les logements vacants (identification, aides à la rénovation, dispositif « louer abordable ») ;
  • Porter une attention particulière à l’ambition des PLU en matière de densification.

Les outils coercitifs :

Enfin, l’instruction rappelle aux préfets qu’ils peuvent mobiliser « tout l’éventail de leviers réglementaire à leur disposition » pour atteindre le « zéro artificialisation nette », de l’avis défavorable jusqu’à la suspension du caractère exécutoire d’un document.

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