Retour sur les Rencontres européennes de la participation [24 au 26/10/2022 | Rennes)

Publié le 21 novembre 2022

Les 5èmes Rencontres européennes de la participation se sont tenues du 24 au 26 octobre 2022 à Rennes. 1200 participants (praticiens et bénévoles) étaient présents pour participer à des dizaines de débats, ateliers, partages d’expériences autour de la démocratie participative.

Anne Gouérou, Annie Gouzien, Nicole Raguénes, membres du Conseil de développement de Cornouaille et Anthony Trihan, coordinateur du CD, y ont participé. Chacune et chacun a retenu un moment fort, une idée, un intervenant présentés ici.

« Crise écologique, réponses citoyennes ? »
Anne GOUEROU

Tel était le titre du grand débat public des Rencontres européennes de la participation à Rennes. Pour y répondre, deux pointures étaient invitées : Loïc Blondiaux, politologue, chercheur à l’Université Panthéon-Sorbonne, et Chantal Jouanno, présidente du CNDP*. Pour sa part, Loïc Blondiaux a insisté sur l’effondrement de la démocratie représentative, malade de ses institutions inadaptées et aussi attaquée par les tenants des systèmes autoritaires. Face au péril climatique, faut-il mettre la démocratie entre parenthèse pour résoudre les problèmes colossaux qui se présentent à nous ? Sa réponse est fermement non. Il note que les mouvements récents, tels celui des Gilets jaunes, allient les questions de justice sociale, d’égalité, de démocratie à celles de l’environnement. A contrario, il constate que le non-traitement – à la hauteur des problèmes posés – de ces questions par nos gouvernements et élus, repose sur leurs visions enfermées dans le court-terme, et d’autre part sur des dysfonctionnements démocratiques. Ainsi, il considère que si une décision prise par des élus et des experts peut être qualifiée de « légale », elle n’en est pas forcément « légitime ». Selon lui, il faut sortir du modèle vertical et arrogant qui est le nôtre, en engageant des processus de démocratie participative à tous les niveaux. La bonne nouvelle, constate-t-il, c’est que les habitants sont prêts, eux qui multiplient les initiatives citoyennes locales, prouvant qu’ils peuvent produire des idées ou des solutions plus ambitieuses ou pertinentes que celles pensées en haut lieu et dans l’entre-soi.

* CNDP : Commission Nationale du Débat Public

Les échelles territoriales de démocratie citoyenne
Annie GOUZIEN

Ces sixièmes Rencontres européennes de la participation rendent compte à travers la variété des thématiques d’ateliers de la diversité du champ couvert.  Cette diversité tient sans doute au flou de cette notion soulignée par Marie-Hélène Bacqué*, laquelle couvre des pratiques en tension entre deux pôles : celui de la participation à l’action publique et celui de l’initiative citoyenne autonome.  Entre ces deux pôles s’inscrivent évidemment une grande variété de combinaisons et d’hybridations.  Deux ateliers notamment ont pu en rendre compte : celui d’une mobilisation citoyenne locale à l’initiative des élus dans l’aménagement d’un centre-ville de petites villes rurales et celui d’une approche comparative d’expériences participatives dans des contextes nationaux et transfrontaliers différents. Un certain nombre de « fils » traversent ces expériences :  l’importance de la volonté politique pour mener l’expérience (engagement personnel du maire dans les petites villes ) ; le poids des cultures nationales (Suisse, France) ou régionales (pays basque français et espagnol) favorisant plus ou moins les espaces d’autonomie locale ; le fait de partir du citoyen et de son expertise d’usage face à l’expertise professionnelle et techniciste et l’importance accordée aux démarches inclusives en termes de CSP et de publics en situation d’exclusion et de précarité. Certains niveaux territoriaux récents en France comme l’intercommunalité ou le niveau de l’agglomération resteraient assez dépourvus en matière de démocratie participative.

*Marie Hélène Bacqué, « Participation », in Didier Fassin (dir), la société qui vient, Paris, Seuil, 2022 (p.314-331)

Impressions citoyennes
Nicole RAGUENES

J’ai pour ma part été impressionnée par :

– l’affluence à ces journées (1 200 personnes) ainsi que par la motivation et le dynamisme des personnes présentes et par la présence de nombreux “jeunes” recrutés par les collectivités pour porter le sujet de la démocratie participative.

– par le nombre de sujets abordés en deux jours (une cinquantaine entre les débats, partage d’expérience et ateliers) ainsi que par la qualité des intervenants.

Ne pouvant suivre que six sujets sur les deux jours, deux m’ont particulièrement marquée :

– un débat sous forme de tribunal sur le sujet : “le débat sert-il la transition énergétique” ? Le tribunal étant composé d’un juge, d’un procureur, d’un accusé (le débat public), de témoins (deux pour et deux contre) et du jury :  le public. Tous les arguments “pour ou contre” la démocratie participative ont ainsi pu être défendus avec verve notamment par Chantal Jouanno (Présidente de la Commission Nationale du Débat Public) en tant qu’accusée. Débat très instructif et joyeux, véritable pièce de théâtre.

– L’expérience d’un conseil municipal à Saillans dans la Drôme où en 2014, une liste citoyenne est élue sur un projet de démocratie participative. Cette expérience est racontée par le maire élu pour ce mandat accompagné d’une conseillère municipale en s’appuyant sur le film “Commune commune” réalisé à l’occasion de cette expérience hors du commun.

Etat des lieux de la participation citoyenne
Anthony TRIHAN

A l’origine de ce débat, un texte intitulé : « Faut-il en finir avec la démocratie participative ? » (disponible ici). Son auteur, Nicolas Rio, désigne un paradoxe : un regain d’intérêt significatif pour la participation démocratique et le sentiment d’une perte de sens, d’une incapacité de la démocratie à tenir ses promesses. De la part d’un praticien de la démocratie participative et au cœur d’un évènement entièrement consacré à la participation citoyenne, ces questionnements sont en partie provocateurs mais aussi profondément sincères.

Quelques constats :

  • Ceux qui participent sont aussi ceux qui votent
  • Il existe une forme de dépolitisation des débats, une incapacité à accueillir la conflictualité
  • Une capacité très limitée de transformation de l’action publique

La démocratie participative serait-elle la bonne conscience de notre démocratie représentative ?

L’un des enjeux majeurs, c’est la capacité d’écoute des institutions. Il existe une véritable vitalité démocratique mais aussi une défiance vis-à-vis des institutions et une demande de reconnaissance de l’action collective.

Pour résoudre ces difficultés, plusieurs pistes sont avancées par les participants : reconnaître et accepter le conflit dans les débats, promouvoir le référendum à choix multiples, valoriser le statut des bénévoles, promouvoir le congé citoyen, instituer une troisième assemblée autour d’un CESE (Conseil économique, social et environnemental) renforcé bénéficiant d’un pouvoir de décision.

Le CESE propose aussi de coordonner les différents échelons de la participation, associant dans un continuum démocratique CESER et Conseils de développement, et de favoriser la reconnaissance du rôle majeur de tous les corps intermédiaires.

Contact :

Pour toute information sur le Conseil de développement de Cornouaille : Anthony TRIHAN – 02 98 10 34 12.

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